Des raisons de s’opposer à une révision politique à hauts risques : Les dessous d’une révision politique
Dans sa démarche soldatesque et son allure carnavalesque en vue de la révision de la Constitution du 11 décembre 1990, le gouvernement explique sa détermination par des arguments de nature à faire miroiter le miel au peuple béninois. Ainsi, l’amélioration des performances économiques et de la qualité de la gouvernance constituent les motivations que prône l’exécutif pour se justifier. Mais une analyse méthodique et scientifique révèle tout simplement que les raisons évoquées sont loin de convaincre et de rassurer.
« Avec la ferme conviction d’avoir toujours raison, vous saignez le peuple de son âme et de ses espoirs ‘’, écrit Alioum Fantouré dans son roman, « Le cercle des tropiques« . Tout se passe comme si le président Boni Yayi est dans une logique bien claire : réviser la Constitution ou périr. En effet, contre vents et marées , le président de la République est décidé à avancer au mépris de tout consensus donnant l’impression de ce que le chien aboie et que la caravane va passer. Lors d’une rencontre avec quelques têtes couronnées au palais de la présidence, il profite de l’occasion pour tenter une fois encore de susciter leur adhésion à sa cause comme il le fait à l’endroit de toutes les couches sociales. Parlant des bonnes intentions qui guident la révision de ses rêves, il laisse entendre : ‘’...Mon ambition le plus ardent pour le Bénin est de le voir devenir avant 2016 un pays développé et modernisé où chacun de ses citoyens pourra vivre heureux ‘’. En d’autres termes, il suffit de réviser la Constitution pour que en 2 ans, Yayi réalise ce qu’il n’a pas pu réussir en 7 ans.
Il suffit de réviser la Constitution pour qu’en 2 ans, le Bénin devienne aussi riche que le Qatar et que les millions de jeunes sans emplois retrouvent le bonheur !
Pour ne pas sombrer dans le ridicule, il importe de reconnaître que nulle part au monde aucune Constitution n’a servi de panacée aux maux des hommes si les dirigeants ne font d’abord pas preuve d’une politique de développement éclairée et cohérente.
En dépit du refus catégorique de la quasi totalité des forces vives de la Nation, les principaux partis politiques, les hautes personnalités politiques, les syndicats et les confessions religieuses, le gouvernement n’entend pas reculer dans sa marche manu militari vers une révision au but inavouable de la révision. Même le message du clergé appelant au consensus et à un dialogue national n’a pas réussi à émousser l’ardeur de l’exécutif qui s’est donné un objectif à atteindre à tout prix : réviser. Réviser la Constitution sans pour autant être en mesure de convaincre le peuple avec des arguments éloquents. C’est la posture dans laquelle se retrouve le gouvernement en dépit des sorties médiatiques folkloriques des ministres qui ont embouché la trompette de la révision sans pouvoir véritablement en démontrer ni l’opportunité, ni la pertinence et l’impact sur les populations.
Quand le gouvernement parle d’innovations dans la Constitution
Dans la dynamique de soutenir à tout prix son projet et de défendre mordicus sa position, le gouvernement place la nouvelle Constitution en projet sous le signe des innovations de fond. A ce titre, on parle de la création et de l’institutionnalisation de la Cour des comptes, ce qui aux dires des griots du gouvernement se propose d’améliorer les performances économiques et de stimuler une gouvernance de qualité. En réalité, ceux qui ont au moins lu une fois la Constitution du 11 décembre 1990 et qui connaissent le paronama des institutions républicaines savent que ce serait une manière de vouloir réinventer la roue en parlant de création de la Cour des comptes. La Cour des Comptes, tendancieusement présentée comme une innovation existe déjà comme une chambre de la Cour Suprême dans sa forme actuelle. En terme clair, ce que propose la révision est simplement un changement de statut de cette structure, donc son institutionnalisation. Selon la révision, la Cour des Comptes est appelée à devenir une institution à part entière à l’instar de la Cour Suprême, du Conseil Economique et Social… sachant que sa mission, ses attributions et ses prérogatives vont rester identiques. Au contraire, une telle institution sera budgétivore du fait des charges financières qui ne vont que s’exploser. Il convient de préciser qu’à l’image de la Chambre des Comptes, la Cour des Comptes ne sera pas une juridiction ni une structure capable de traduire les auteurs d’indélicatesses en justice. Ses rapports ne seront destinés qu’au Chef de l’Etat à titre consultatif. Les membres du gouvernement, dans leurs promenades touristiques à travers le pays pour prêcher le révisionnisme parlent non seulement de la création de la Cour des Compte comme une exigence des partenaires au développement mais aussi présentent le Bénin comme le seul pays restant encore en marge dans la sous-région ouest africaine. Le cas du Mali est cité en exemple à toutes les occasions par ces politiciens qui au nom de la myopie intellectuelle n’arrivent pas à se rendre compte de ce que le Bénin a déjà réglé le problème à travers l’existence de la Chambre des Comptes de la Cour Suprême. Tout d’abord , même si le Mali a procédé à une institutionnalisation de la Chambre des Comptes, cela peut-il constituer une raison devant obliger le Bénin à l’imiter ? Ensuite, la transformation de la Chambre des Comptes en une institution aura-t-elle un impact sur le quotidien du Béninois ? enfin, s’il est vrai qu’à un moment donné, avaient souhaité entre autres, la création de la Cour des Comptes, il n’en demeure pas moins vrai que le Bénin n’a pas à se plier à une telle exigence.
La question de l’imprescriptibilité des crimes économiques et la cena
La Constitution du 11 décembre 1990 a déjà défini le cadre légal de lutte contre les crimes économiques à travers l’article 37 qui stipule’’ Les biens publics sont sacrés et inviolables. Tout citoyen béninois doit les respecter scrupuleusement et les protéger. Tout acte de sabotage, de vandalisme, de corruption, de détournement, de dilapidation, ou d’enrichissement illicite est réprimé dans les conditions prévues par la loi’’. Et c’est à juste titre que la loi N° 2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et infractions connexes est venue compléter voire renforcer une telle disposition constitutionnelle. Alors, avec le vote et la promulgation de cette loi, point n’est besoin de prétendre créer un autre cadre juridique en la matière. La hiérarchie des normes et le parallélisme des formes, veut que toute loi votée et promulguée soit en conformité avec l’esprit de la Constitution, comme tel est le cas pour la loi sur la corruption. L’autorité nationale étant déjà mise sur pied, que le gouvernement lui permette de se mettre à la tâche que de vouloir encore la déstabiliser. En quoi l’institutionnalisation de la CENA va booster l’économie ? En tout cas, il n’y a rien d’urgent à ce sujet. La commission électorale nationale autonome (cena) à moins de 20 ans ne peut-elle plus subir l’épreuve du temps ? Pourquoi Boni Yayi tient à institutionnaliser la CENA, qui a servi à le porter au pouvoir ainsi que ses prédécesseurs.
Des raisons de douter de la bonne foi de Boni Yayi
Même s’il faut reconnaître que la Constitution la plus parfaite ne sera jamais parfaite du moment où la constitution est un texte écrit donc figé, à caractère statique et que les réalités changent selon la dynamique de la vie, il y a de bonnes raisons de douter de la sincérité de Boni Yayi. Il n’est un secret pour personne que généralement dans les pays africains, la modification de la Constitution est utilisée à des fins machiavéliques ; éterniser au pouvoir ou tout au moins prolonger son mandat. C’est vrai que le président Boni Yayi clame sa bonne foi de ne pas en arrive là. Toutefois est qu’il est difficile de le croire. Qu’il nous souvienne qu’à la veille de la présidentielle de 2011, face aux pressions syndicales et aux revendications, il a menacé de ne pas se présenter aux élections. Tout le peuple a constaté qu’il a été candidat puis a fait un KO.
Janvier YAHOUEDEOU
Cotonou le 13 Juin 2013